Abbaye St Jean de Réôme

L'ANCIENNE ABBAYE DE MOUTIERS-SAINT-JEAN

du XVIIIe siècle à nos jours

par Bernard SONNET

L'abbaye de Moutiers-Saint-Jean est située dans un bourg, proche de Semur-en-Auxois. Le village, endormi sur son prestigieux passé, conserve tant bien que mal des témoignages intéressants de l'habitat civil et religieux du 13e au 18e siècle.

C'est la plus ancienne des abbayes bourguignonnes, dont les origines, d'après la tradition, remonteraient au 5e siècle. Elle aurait été fondée par Jean, fils de notables, après qu'il se fût retiré en un lieu appelé Réôme, proche de l'actuel village de Corsaint. Mais ce n'est qu'au 8e siècle qu'elle est attestée à Moutiers-Saint-Jean. On ne sait rien de son aspect. Sans doute, les bâtiments établis sur le versant sud d'une colline, sont-ils organisés selon les principes monastiques, autour d'un cloître longé, sur son côté nord, par une église orientée. Mais il est certain qu'une agglomération se développe rapidement sous sa protection.

Puis, à la suite de la brillante période des 12e-13e siècles, l'abbaye entre dans une phase de lente décadence causée par la guerre de cent ans, les guerres de religion, comme en attestent les pillages survenus en 1567 et en 1582. Cette dégradation culmine avec le régime de la commende instauré au 16e siècle, par lequel le roi octroie les revenus des monastères à des abbés qui n'y résident plus ou peu.

L'abbaye parvient à se relever de ces désastres, grâce à la réforme de l'ordre bénédictin entreprise par les moines de la Congrégation de Saint Maur en 1635. En raison de l'état d'abandon des bâtiments, les nouveaux religieux s'installent provisoirement dans le logis que leur prête l'abbé commendataire. Ils veulent ensuite faire table rase des anciens bâtiments, à l'exception de l'église médiévale, pour leur permettre de se conformer aux nouvelles règles de la vie monastique promulguées par la réforme, répondre aux nécessités de la salubrité, donner aux lieux réguliers un ordonnancement plus digne, en accord avec les principes architecturaux en vigueur.

LES TRAVAUX DE LA FIN DU 17e SIÈCLE.

L'érudition des bénédictins, leurs goûts artistiques, leurs relations avec la bonne Société, dont ils sont souvent issus, les exigences de l'abbé commendataire, donnent un essor particulièrement grandiose à leurs projets de reconstruction des bâtiments conventuels. Ils suivent en cela l'exemple d'autres abbayes bénédictines, dont celle de Saint-Denis, ou d'ordres monastiques, comme les cisterciens et les prémontrés. Les projets sont élaborés dès 1635, sous l'impulsion des abbés François de La Rochefoucauld, puis Claude-Charles de Rochechouart de Chandenier. Toutefois, les travaux ne débutent que plusieurs années après, si l'on en juge par une vue cavalière de l'abbaye de Moutiers-Saint-Jean, publiée en 1689, dans le Monastico gallicanum, recueil consacré aux abbayes bénédictines. Cette gravure, exécutée d'après un dessin à la plume et aquarelle, porte une annotation qui indique qu'une partie du cloître contiguë à l'ancien réfectoire est construite à nouveau (pars claustri antiquo refectorio contigua de novo aedificata est) et la date de 1662.

La gravure reproduit les bâtiments médiévaux entourant le cloître : l'église, au nord, l'aile est abritant la salle capitulaire au rez-de-chaussée et le dortoir au premier étage, en liaison avec le choeur de l'église, dans la logique du plan monastique traditionnel, pour permettre aux moines de se rendre aux offices de nuit; à l'ouest, la grange ou grenier et le cellier. Mais au sud de la cour du cloître, seuls les arcs formerets des voûtes couvrant la galerie actuelle et le rez-de- chaussée du bâtiment conventuel sont représentés, indiquant sans doute qu'il ne s'agit là que d'une étape du projet définitif. Sur cette vue, déformée par la perspective, on note aussi la présence de nombreux autres bâtiments, démolis par la suite, dont l'église déjà citée, mais également de nombreuses constructions annexes, représentées au premier plan : la demeure de l'abbé, l'infirmerie, la bibliothèque, les écuries et autres dépendances.

LA CAMPAGNE DE   RECONSTRUCTION AU 18ème SIÈCLE.  

Après la mort en 1710 de l'abbé de Chandenier, la reconstruction reprend de 1721 à 1726, sous la direction de l'architecte de la Congrégation, Victor-Thierry Dailly ; Louis de Thésut étant abbé commendataire. Le prieur estime que le sanctuaire et le clocher de l'église du monastère menacent ruine ; une expertise confirme que les piliers boutants sont mal fondés et qu'il est nécessaire de détruire le clocher. On commence par le chœur, la croisée du transept

de l'église médiévale, puis le décor du tombeau de saint Jean, en 1730. Ces travaux sont attestés par plusieurs témoignages.

L'un émane de l'historiographe Claude Courtépée: Le chœur et la croisée de l'église ont été rebâtis magnifiquement en 1730 ; la nef est ancienne ; c'est une belle basilique longue de 77pas (65m environ), bien éclairée.

Le second nous est procuré par une inscription gravée sur une pierre de fondation, identifiée récemment, qui confirme que les travaux de reconstruction de l'église ont bien commencé en 1726.

Les travaux se poursuivent jusqu'en 1727, date à laquelle un texte nous apprend que la porte d'entrée, commune au monastère et à l'abbé, est jugée incommode, qu'elle menace ruine et que sa construction est à la charge des religieux. Cette porte, entrée principale actuelle, donne au nord, du côté du bourg. Edifiée d'après un des rares dessins qui nous soit parvenu, elle consiste en un portail couvert, avec porte en plein cintre, timbré d'une agrafe en console, encadrée par des pilastres supportant un entablement d'ordre toscan et des ailerons à volutes reposant sur les murs de clôture.

Faute de moyens financiers, les travaux sont de nouveau abandonnés après 1731. En effet, la mense abbatiale est réunie à celle de l'évêque de Langres, pour compenser la perte d'une partie de ses revenus lors de la création de l'évêché de Dijon.

Un traité passé entre le nouvel abbé, l'évêque-duc de Langres, Gilbert Montmorin de Saint-Herem et le prieur de l'abbaye, Dom Pierre Garnault, le 12 juin 1740, signale que, depuis longtemps et surtout depuis la mort de l'abbé de Chandenier, les bâtiments de la maison abbatiale sont très vétustés quelque soin que l'on ait pris pour faire mettre ces bâtiments en état. Il faut attendre cependant quelques années pour que l'abbé Courtépée  nous confirme que La maison... a commencé d'être rebâtie en 1747...

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